Christian Urbita

Il faut remonter à l'adolescence de Christian Urbita pour bien comprendre comment sa vocation a pu s'imposer à lui avec une telle intensité et une certitude jamais démentie.

Tout en préparant un baccalauréat de technicien, il se révèle excellent dessinateur, consacre son temps libre à la musique (il étudie la guitare classique), au dessin, à la peinture et à la sculpture sur bois. Après son bac, il s'inscrit à l'Université des Sciences Paul Sabatier, en section physique / chimie / technologie avec le projet de devenir ingénieur. Il ne se résigne pourtant pas complètement à l'idée d'avoir un métier dans lequel ses trois passions : musique, dessin, sculpture trouveraient leur place.

En octobre 1972, lors d'une émission télévisée, il découvre la lutherie présentée par Monsieur Etienne Vatelot. C'est une véritable révélation! Voilà enfin ce métier qu'il appelait de ses vœux et qui va lui offrir le rare bonheur de réaliser la synthèse de ses trois passions. Dès le lendemain, il se renseigne sur la formation à suivre pour y parvenir. Et là, les premiers problèmes apparaissent : son âge, 20 ans, lui interdit de prétendre à une formation dans une école française. Il se tourne donc vers l'étranger ; après plusieurs démarches, il sait à la fin novembre que seule l'école de Mittenwald en Bavière est susceptible de l'accueillir. Pour se présenter au concours d'entrée qui a lieu en mars-avril, il doit parler couramment l'allemand et jouer correctement du violon! Il sait pertinemment qu'il n'a pas le temps de se préparer suffisamment pour la session de 1974, il décide néanmoins de s'inscrire pour apprécier le niveau requis.

Il abandonne ses études universitaires, accepte des emplois temporaires dans le dessin industriel afin de subvenir à ses besoins et débute l'apprentissage de l'allemand et du violon. Là, il a de la chance ; il rencontre deux professeurs qui, frappés par son courage et sa volonté, lui donneront pendant deux ans des cours... gratuits! Il s'agit de M. Rougier pour l'allemand, et de M. Dauriac, violoniste à l'Orchestre National de Chambre de Toulouse. Musicien passionné de lutherie, ce dernier comprend la vocation de Christian Urbita et décide de lui apporter son soutien.

En avril 1974, il se rend à Mittenwald pour passer les épreuves du concours : le bilan est extrêmement encourageant : classé premier sur la liste supplémentaire malgré son handicap dans deux matières fondamentales (l'allemand et le violon). Fort de ce succès, de retour en France il reprend vaillamment les "petits boulots", et pendant une année consacre tout son temps à parfaire sa pratique de l'allemand et du violon.

En avril 1975, il est à nouveau à Mittenwald, sûr cette fois de réussir. A l'issue des épreuves il ne doute pas de son succès et attend sereinement les résultats. Il connaît une énorme déception : il ne figure pas sur la liste des admis! Persuadé qu'il ne peut s'agir que d'une erreur, il demande à être reçu par le Directeur de l'Ecole qui s'attendait à sa visite. En effet, il avait obtenu les meilleures notes dans les matières professionnelles, il était donc théoriquement reçu, mais il n'avait pas eu la moyenne à l'épreuve de langue, or, la nouvelle législation bavaroise imposait au Directeur de ne pas accepter un élève qui ne maîtrisait pas parfaitement l'allemand. Pour être admis définitivement à l'école, Christian Urbita devait repasser l'épreuve.

Il quitta l'Allemagne désemparé. Il n'était pourtant pas question pour
lui de renoncer. Sans plus tergiverser il prend la décision qui s'impose : aller vivre en Allemagne, seul moyen de parvenir à une bonne maîtrise de la langue. Il trouve un emploi à Bad-Pyrmont, où il va connaître des mois difficiles : embauché comme homme à tout faire dans un hôtel, à faire surtout du ciment dans une équipe d'ouvriers turcs et yougoslaves! L'idéal pour apprendre la langue du pays! Peu à peu cependant sa situation s'améliore et il réalise de réels progrès en allemand. En janvier 1976, il reçoit une lettre du Directeur de l'Ecole qui le prévient que l'épreuve de langue est devenue "extrêmement difficile". Il insiste pour passer l'examen : les résultats sont corrects mais insuffisants pour être admis à l'école.

Il rentre en France la mort dans l'âme. Il n'est pourtant toujours pas question pour lui d'abandonner son projet. Il se lance donc dans l'étude de la fabrication d'un violon en autodidacte, profondément déçu de ne pas avoir accès à une vraie formation. Quelques mois plus tard, à sa grande surprise, il reçoit une lettre de Stuttgart, de M. B. Franke qui lui propose un poste dans son atelier. Il ne comprend rien à ce miracle mais deux jours plus tard il est à Stuttgart et découvre que sa venue est liée à un quiproquo : Mr Franke avait demandé à l'école de Mittenwald les coordonnées d'un jeune luthier diplômé de l'école et il se retrouvait avec un apprenti seulement admis à entrer à l'école. Malgré cette situation, Maître Franke accepte de prendre Christian Urbita à l'essai pour un mois, puis à l'issue de cette période il signe un contrat d'apprentissage avec lui. En parallèle, le directeur de Mittenwald s'engageait à le prendre neuf semaines par an dans son école pour des cours théoriques. Enfin, il pouvait commencer une véritable formation!

Il s'était réjouit trop tôt! Nouveau coup de théâtre : il apprend par le Directeur de l'Ecole qu'une nouvelle législation rend impossible sa formation à Mittenwald. C'en est trop! La colère l'emporte sur le désespoir : il demande à un avocat de se saisir de son affaire et intente un procès au Gouvernement de Haute-Bavière... qu'il gagne! Cette fois-ci c'est sûr, il peut enfin débuter son apprentissage.

Trois ans plus tard, il obtient son diplôme d'Etat. Ayant le projet de créer son propre atelier, il décide de se perfectionner en travaillant chez différents grands maîtres luthiers afin de multiplier les occasions de travailler sur des instruments qui lui permettront de retrouver les méthodes de fabrication des XVII° et XVIII° siècles. C'est à ce prix, il le sait, qu'il parviendra à la maîtrise nécessaire pour se lancer dans la fabrication d'instruments de qualité. Dans ce but, il a d'ailleurs, tout au long de sa formation, consacré une bonne part de son salaire à l'achat de bois, afin que le moment venu, ce matériau ait la siccité adéquate.

Il reprend donc son bâton de pèlerin. Il commence par un stage de deux mois chez un Maître Archetier, Mr R. Grünke à Bubenreuth. Puis il va parfaire sa formation chez le Maître Luthier R. Massurat à Lübeck où il reste une année. En 1980, il a la chance d'être accepté dans l'atelier de W.E. Hill & Sons, l'un des plus prestigieux ateliers d'Angleterre. Pendant trois ans, il acquiert tous les savoir-faire nécessaires à la haute restauration en réparant des Stradivarius, des Guarnerius, des Amati... et se forme à l'art délicat de l'expertise.

Après dix années consacrées à sa formation, après huit années vécues à l'étranger, il se sent capable de franchir une nouvelle étape : la création de son atelier. C'est dans le berceau familial, à Cordes sur Ciel, cité médiévale du Tarn, qu'en 1983, il ouvre son atelier. C'est une sacrée gageure que d'avoir choisi ce village, mais, pour lui, ce lieu peu propice à une activité commerciale, est en fait, un cadre particulièrement favorable à la concentration que requiert la fabrication d'instruments neufs : c'est l'objectif qu'il s'est assigné.

fonte: sito personale

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