Simon Bour

Sadirac (33) Quatre ans d'apprentissage à Crémone, pays de Stradivarius et d'Amati, ont fait de Simon Bour un luthier de grand talent. Le mariage d'un métier d'art et d'une passion...

Quand Bour
est au violon...
par Bernard Lastéra (Sud-Ouest Dimanche 18/06 2000)

Et cette harpe? "Une Erard de 1800, ce sera ma troisième, à refaire entièrement." Engins mythiques au mécanisme d'horlogerie dissimulés sous le cadre et la colonne en fines moulures et feuille d'or, une sorte d'orgue en réduction, pédales comprises. L'instrument est complexe et ruiné. "Il faudra bien six mois de travail."

On n’est plus dans la lutherie courante mais dans un métier d'art des plus exigeants et son bagage inouï de connaissances. Dix métiers réunis sous les mêmes doigts.

Dans ces coteaux girondins des Hauts-de-Garonne, on n'entend que les oiseaux. C’est peut-être la paix dont a besoin Simon Bour, luthier. Sur une table de son atelier, un rabot gros comme un taille-crayon, un trusquin de précision en bronze, des outils bizarres que l’on dirait de chirurgie et... une mince queue de cheval. "C'est bien ça. Ce sont des crins de chevaux, d’étalons de Mongolie. Ils sont choisis un à un et servent à mécher des archets." Vendus au gramme sur la base de 3 000 francs le kilo. Simon Bour est l’un des rares luthiers français capables de ce travail.

Le voyage à Crémone
Lorsqu'il décide de concrétiser sa passion d’adolescent pour la lutherie, Simon Bour vient de terminer, parents obligent, des études universitaires d’économie. Service militaire, hésitations... En France, aucun luthier n’engage d’apprenti. Trop tard, aussi, pour l’école de Mirecourt (Vosges) qui inscrit jusqu’à 18 ans. Il se rend à Crémone, pays d’Amati, Stradivarius, Guarneri et, depuis, paradis de la lutherie. A l’école, ce sont huit heures quotidiennes. On appelle les profs "maestro". Travail du bois, mais aussi cours théoriques "très poussés", maths, géométrie, dessin, physique acoustique, musique et toutes les spécialités associées: cordes, marqueterie, colles, vernis... L’élève en redemande. "Je bouffais tout ce qui pouvait s’apprendre." Au programme il ajoute, le soir, quatre heures de travail. Il fait le plein de ces secrets inviolables que protège, comme chez les facteurs d’orgues, la transmission orale. Et quatre ans, que ça dure! Avant d’installer son atelier contre la maison familiale, à Sadirac, dans la Suisse girondine. Le choix d’un certain confort de vie et de travail contre toute logique commerciale. Pourtant, on vient de très loin acheter, confier une réparation ou faire chanter un instrument enroué, parfois muet. Souvent de prestigieuses reliques qu’il faut ressusciter.

A la vieille lune
Violon, violoncelle, guitare, c’est du bois. Le fond, qui renvoie le son, est en palissandre ou en érable, les éclisses (contours) en érable. La table, le dessus qui fournit la qualité et la couleur du son, est en épicéa, un sapin léger, homogène et résistant, à la résonance longue et régulière. Aucun risque n’est pris. "La lutherie est conservatrice, elle s’appuie sur des choses sûres." L’épicéa vient d’une vallée italienne bien précise, coupé entre 1 200 et 2 000 mètres d’altitude au moment du dernier quartier de lune (en "vieille lune") où le bois est vidé de son eau. C’est la garantie d’une fibre serrée. 1 000, 2 000 francs le quart de mètre carré, qui doit sécher... quelques années! Avant d’être finement sculpté à la gouge. Le moindre défaut dans les différentes épaisseurs entraîne la catastrophe.

Peut-on, aujourd’hui, "faire" un Stradivarius? "Les Stradivarius sont des instruments formidables, il n’en existe plus que 500 sur les 1500 fabriqués. Ils ont, pour la plupart, toujours été bien entretenus. Les musiciens recherchent des instruments anciens, ils sonnent mieux. La structure moléculaire de la fibre a pris l’habitude de vibrer, elle s’est modifiée dans cette fonction. C’est très important. Actuellement, les bons bois ont 50 ans, mais sur des instruments qui sont joués. Le même instrument inactif depuis longtemps ne sonne pas. Il retrouve le son au fur et à mesure qu’il est de nouveau joué."

"Un instrument réalisé par un luthier dans le respect absolu des règles de l’art aura la qualité de son d’un Stradivarius. Avec le temps."

La nacre verte des ormeaux
Une guitare classique a valu en 1997 à Simon Bour un titre de meilleur ouvrier de France, un concours triennal, un jury difficile ignorant l’identité du candidat. La facture et le Son ont emporté la décision, devant huit autres luthiers, mais aussi le travail en dentelle de sa marqueterie. C'est que notre garçon, grand échalas aussi mince que ses archets, est passionné par la minutie. "Plus c’est petit, plus j’aime." Des incrustations de nacre verte irisée qu'il retire des ormeaux (coquillages tropicaux) et découpe en motifs aussi détaillés que des cristaux de neige, des filets de bois noble minces comme des aiguilles... De l’art.

On vient de loin chercher à Sadirac une guitare classique ou folk, une merveille de violon. Depuis huit ans qu’il est installé, Simon Bour n’a pas enregistré de réclamation, d’échec. A la tâche demandée, il ajoute toujours une inspection. "Il est impensable de ne pas faire le tour de l'instrument, il y a toujours des choses à améliorer que le musicien ne peut appréhender. La meilleure récompense vient de son agréable surprise lorsqu’il m'appelle le lendemain."

Simon Bour est aussi spécialisé dans les guitares électriques. Qu’elles soient à caisses pleines, électroacoustiques. Qui peut le plus... Et réputé pour ses mandolines. Des Américaines, à caisse plate. Sceptique, une mandoliniste, adepte irréductible de l'instrument italien (caisse demi ronde, en "jambon") est venue un jour découvrir ces instruments dont on lui parlait. Dix minutes lui ont suffit pour être conquise.

Tôt le matin, le luthier est au footing dans sa campagne. Boit pas, fume pas. Triste? Non. Voyez-le dans quelque taverne en compagnie de ses amis musiciens, foulard et gilet de cow­boy. De ses phalanges tentaculaires, Bour joue du blue­grass, ce truc des campagnes yankees. Il joue sur une "western", la guitare des folkeux, une bombe sonore, de sa fabrication.

fonte: sito personale

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